Du 13 au 24 mai 2025 se tiendra la 78e édition du Festival de Canne. L’occasion pour Cinérama de revenir sur les conditions de la naissance du plus grand festival de cinéma mondial et sur la vie de deux de ses créateurs : Philippe Erlanger et Jean Zay.
En juillet 1938, la Mostra de Venise, première compétition internationale dédiée au 7e art, rassemble les grands pays producteurs de cinéma de l’avant-guerre.
Le jour du palmarès, l’unanimité se fait autour d’un film américain, mais sous la pression d’Hitler, c’est finalement le documentaire de propagande nazie « Les Dieux du stade » de Leni Riefenstahl qui reçoit la plus haute distinction, nommée « Coupe Mussolini »
La décision suscite un tollé et, dans le train qui le ramène en France, le diplomate Philippe Erlanger envisage d’organiser une manifestation en remplacement de la Mostra, afin de créer un festival libre pour le monde entier.
D’origine juive espagnole, Philippe Erlanger appartient à la famille Camondo, une lignée notamment connue pour sa collection d’art, qu’elle a offerte à l’Etat français. Le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme lui a d’ailleurs consacré une exposition en 2009, intitulée « La Splendeur des Camondo ».
Critique d’art, journaliste et écrivain, Philippe Erlanger sera le premier délégué général du Festival de Cannes (1946-1951) et restera président d’honneur du festival jusqu’à sa mort en 1987. En 1956, il fait retirer le film « Nuit et Brouillard » d’Alain Resnais de la sélection pour ne pas heurter l’Allemagne fédérale.
Jean Zay, alors ministre de l’Education nationale, soutient l’idée selon laquelle L’Europe doit se doter d’un festival de cinéma où l’art ne serait pas influencé par les manoeuvres politiques. En juin 1939, les médias annoncent officiellement la création d’un Festival de cinéma en France.
Ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts sous le Front populaire, Jean Zay fut aux avant-postes du combat antifasciste, modernisa le système scolaire français et créa plusieurs institutions culturelles majeurs. Arrêté à l’été 1940 pour avoir voulu rejoindre l’Afrique du Nord, il fut assassiné par trois miliciens en juin 1944.
Son père, Léon Zay, était issu d’une famille juive originaire de Metz. Il fut élevé dans la foi protestante, mais devint cependant la cible notoire de la campagne antisémite durant la guerre, qui appela à la condamnation à mort du « juif Jean Zay », en raison de ses origines juives et de son rôle de ministre du Front populaire.
Le 1er septembre, date prévue de l’inauguration du Festival, les troupes allemandes envahissent la Pologne. Le 3 septembre, la guerre est déclarée et la mobilisation générale lancée : le Festival ne peut commencer.
Il faudra attendre 1946, au sortir de la guerre, pour que le projet du Festival de Cannes se concrétise enfin dans une toute première édition qui s’ouvre le 20 septembre.